« L’avantage que j’ai sur toi, c’est d’avoir commencé avant. »
Message reçu du calligraphe Mahmoud BAGDADI
Je rappelle fréquemment que je ne suis pas calligraphe. Même si bien entendu j’aspire à le devenir et m’en rapprocher le plus possible. Pour cela je me forme et progresse régulièrement. Certains penseraient peut-être que c’est se tirer une balle dans le pied de dire ça alors qu’on développe son activité et ses projets autour de la calligraphie arabe… 😉
Et pourtant ce n’est pas un secret, et c’est même naturel de le confier : je ne suis pas maître calligraphe. Car pour pouvoir se prétendre calligraphe et le devenir, cela sous-entend beaucoup de choses. Et ce serait leur manquer de respect et manquer de respect à cet art ancestral pour moi que de me prétendre comme tel à l’heure actuelle.
Pourquoi ? c’est ce que l’on va voir dans cet article.
Être calligraphe dans la langue arabe
Quel est le chemin pour devenir un maître en calligraphie arabe ?
C’est une excellente question par laquelle commencer. Cela permet en réalité de comprendre les étapes d’apprentissage, la méthodologie, et ce qu’est vraiment la calligraphie arabe classique.
Traditionnellement la 1ère étape pour devenir un calligraphe professionnel est bien entendu de se rapprocher d’un maître en la matière.
C’est une étape importante car cela va avoir un poids décisif par la suite dans nos exercices et nos entraînements réguliers. L’enseignant est celui qui deviendra LA référence. C’est un lien particulier qui se tissera alors entre le maître et son élève. Notamment dans l’école de calligraphie Ottomane. Tous les grands calligraphes vous le confirmeront à travers des témoignages sur leur propre expérience.
débuter LA CALLIGRAPHIE arabe seul
Alors oui, il est possible évidemment de commencer à apprendre énormément de contenus. Que ce soit sur la théorie, le matériel, les mouvements, etc…surtout si on part de zéro (comme je vous le propose à travers mes projets dont ma formation en ligne). On peut aussi se contenter de recopier des calligraphies par ci par là… Mais cependant on risque de se retrouver limité. Et rien ne remplacera l’œil avisé, les conseils personnalisés et les instructions d’un enseignant à son élève.
Saviez-vous qu’un maître peut choisir ses propres élèves ? Et ainsi refuser d’enseigner à certaines personnes ?
Si par exemple il constate un manque de motivation, devine un comportement ou une personnalité qui ne collerait pas avec la sienne etc
En moyenne un maître calligraphe n’a pas énormément d’étudiants dont très peu à la fois. (vous allez comprendre la relation enseignant-disciple par la suite). Ainsi il peut se concentrer sur l’évolution de chacun à travers les moindres détails, que ce soit dans l’écriture elle-même que vis à vis de l’élève lui-même.
Certains calligraphes ne proposent d’ailleurs pas ou très peu des cours par eux-mêmes, ce sont les étudiants qui font la démarche pour rechercher sa science. Le bouche à oreille est primordial.
Et ce qui rejoint un point dont je parle beaucoup : la difficulté d’apprendre cet art en France notamment surtout si on est isolés et totalement débutants.
Une fois que le maître et l’étudiant s’accordent sur le fait d’apprendre ensemble ainsi que sur le processus dans lequel ils s’engagent, le maître prépare le matériel à son étudiant selon la tradition puis s’assoit et écrit une phrase-type devant lui.
(Note : dans l’école de calligraphie persane, il n’y a pas cette phrase)
Cette phrase écrite en calligraphie arabe se retrouve dans énormément de manuels d’apprentissages :
« ô Seigneur, rends-moi cette chose facile, ne me la rends pas difficile, ô Seigneur fais qu’il y ait du bien dans sa finalité ».
Une fois que l’élève a observé très soigneusement comment le calligraphe écrit cette ligne, il va ensuite observer comment le contrôle de l’encre se fait, la tenue du calame, la façon dont chaque lettre est tracée…
La calligraphie arabe est une science
Rappel : chaque lettre en calligraphie a ses propres proportions, ce ne sont pas des mesures subjectives que l’on invente en freestyle, mais des règles strictes à appliquer (et ceci est valable dans chaque style calligraphique)
Ces règles se transmettent de génération en génération depuis des siècles, à travers une technique pédagogique particulière. (pour en savoir + : Lire les origines de la calligraphie)
Le maître va ensuite demander à son élève de réécrire cette phrase-type exactement comme il a fait, puis de revenir la semaine suivante pour lui montrer. Oui même si l’élève n’a jamais calligraphié de sa vie, ce sera la 1ère phrase par laquelle il va débuter. Comme cela se retrouve principalement concernant les styles Thuluth et Naskh.
On peut aussi voir cela comme une épreuve initiatique par laquelle le maître voit si l’élève est suffisamment motivé pour poursuivre son apprentissage.
Chaque semaine le maître va alors s’attarder sur les corrections à faire et ainsi de suite de nombreuses fois. C’est ainsi que la méthode basique d’apprentissage fonctionne en calligraphie arabe : c’est un cycle entre la répétition, les corrections et les critiques.
Un élève peut travailler sur cette phrase durant 1 à 3 années. Ce qui montre bien la complexité et l’importance de chaque trait dans cet art.
L’étudiant se rend ainsi régulièrement (1fois/semaine) auprès de son maître. Alors imaginez ceci durant une période aussi importante. Vous comprenez maintenant mieux ce dont je parlais plus haut : ce lien spécifique entre un enseignant et son élève.
Pour l’anecdote : savez-vous que dans certains cimetières ottomans dans lesquels sont enterrés des calligraphes, ceux-ci sont enterrés proches de leurs étudiants ? La relation installée, basée sur un incontestable respect, va alors bien au-delà d’un simple cours.
Pourquoi une telle durée d’apprentissage ?
Car comme dit plus haut, chaque lettre en calligraphie arabe est codifiée. Ce qui peut paraître similaire pour un débutant entre deux calligraphies ou lettres, ne l’est en réalité pas pour un calligraphie avec des années d’expérience derrière lui. La bonne nouvelle comme j’en parle dans la page d’informations de la K-lligraphie classe, c’est qu’on peut constater rapidement une évolution et une nette progression, et notre regard devient de plus en plus méticuleux avec beaucoup d’entraînements et la pratique constante d’exercices.
exemple avec cette calligraphie (extrait d’une vidéo Youtube).
En rouge la correction de l’enseignant calligraphe.
A 1ère vue pour un novice cela n’est pas évident et la phrase écrite en noire peut sembler déjà « parfaite ». Mais en y regardant de près on constate en effet des différences (dans l’angle et les proportions)
J’ai inséré ici un exemple déjà avancé d’un étudiant dans son entraînement, mais cela pour souligner la minutie avec laquelle la calligraphie arabe doit être exécutée…
Puis une fois que l’étudiant a la « chance » d’avoir passé cette étape, il va alors passer à l’étape suivante.
Méthodologie pour apprendre la calligraphie arabe
Apprendre le tracé de chaque lettre individuelle.
A ce niveau, on commence par apprendre la 1ère partie de l’alphabet avec les formes de la lettre Alif ا à la lettre Fa ف. Puis on passe à la 2nde moitié : de la lettre qaf ق à la lettre ya ي. Toujours basé sur le même principe d’apprentissage : corrections – répétitions.
Une fois seulement chaque lettre correctement apprise et maitrisée avec ses proportions, l’élève va alors pouvoir continuer son apprentissage.
Apprendre chaque lettre par paire.
Concrètement cela signifie reprendre chaque lettre et apprendre à l’écrire connectée avec chacune des lettres de l’alphabet. Une par une. Pour rappel, et comme je l’explique à travers mon Atelier Gratuit, chaque lettre en arabe s’écrit différemment selon sa position dans le mot.
Par exemple : prenons la lettre sin س. On va apprendre comment la connecter avec alif ا, puis ba ب, puis jim ج, et ainsi de suite jusqu’à la dernière lettre. On répète le processus en faisant de même avec la lettre suivante.
Remarque : bien qu’il existe 29 lettres dans l’alphabet arabe, plusieurs lettres ont la même forme, la seule différence étant la place du ou des points diacritiques. (exemple : ba ب, ta ت et tha ث ont une même forme, d’où le fait que dans mon exemple précédent je passe du ba ب au jim ج directement 😉)
Et enfin après ces étapes : la dernière étape de la méthodologie.
Apprendre à écrire des mots et phrases.
Vient ensuite apprendre comment former des mots entiers, toujours en respectant des règles et en ayant les bonnes proportions.
Je m’attarde ici sur l’importance d’un point que je tiens à souligner : le temps. Comme vous le constatez on parle déjà d’années d’apprentissages. Pourtant nous n’en sommes « QUE » à apprendre la construction des mots. Et comment écrire une phrase.
Et c’est un point fondamental à bien garder en tête : l’art de calligraphier ne s’apprend pas en quelques jours ni semaines.
L’apprentissage de la calligraphie arabe prend du temps, il est impossible de maîtriser correctement toutes ces règles en quelques heures… Chaque élève avance bien sûr à son propre rythme. Mais ce n’est qu’après des années de copies et de corrections que l’on commence à se lancer dans ses propres compositions. Et c’est l’amour de la pratique et sa passion qui aide à la persévérance.
La consécration : l’ijaza
Une fois seulement après avoir finalisé chaque étape vue précédemment, l’élève peut prétendre à l’obtention d’une ijaza. Instaurée sous l’empire Ottoman, l’ijaza est en quelque sorte le « diplôme » ou la « licence » que l’enseignant remet à son élève. C’est l’aboutissement qui atteste que l’élève a bien pris en considération chaque proportion de chaque lettre et qu’il maîtrise à son tour la construction de phrases en calligraphie. Un tel couronnement n’est donc possible qu’après plusieurs années de corrections, d’entraînements et de visites auprès de son enseignant.
Ce document lui permettra d’enseigner par la suite son savoir et de pouvoir signer ses propres œuvres. On retrouve dans certaines signatures le nom de l’ancien élève accompagné du nom de son maître auprès de qui il a appris. Cela marque comme une reconnaissance.
Cependant ce n’est pas parce que l’élève a reçu son ijaza qu’il s’arrête dans sa pratique et dans son apprentissage.
Bien au contraire. On ne finit jamais d’apprendre et de continuer de se corriger.
Pour finir…
Je pense maintenant qu’à travers ces explications cela vous semblera bien plus clair. J’espère surtout que vous prendrez conscience à quel point on peut, souvent involontairement ou inconsciemment, malheureusement malmener et ne pas faire honneur à cet art traditionnel. Que ce soit dans un but pécuniaire ou non d’ailleurs.
C’est un art qui demande de la patience, de la persévérance, de la discipline,
sans rien attendre en retour.
La rédaction de cet article me paraît donc avoir toute sa place dans Dessin Calligraphie Arabe. Car je souhaite par celui-ci que cela soit clair pour tout le monde. Non pas pour décourager ceux qui font déjà de la calligraphie arabe ou aimeraient se lancer, ni pour décrédibiliser l’ensemble de mes projets 😆, mais pour que chacun se rende compte que la calligraphie arabe traditionnelle relève d’une réelle science. Contrairement à ce que l’on peut voir ou entendre parfois 🙂
Ceci dit, je continue d’encourager toute personne voulant se lancer dans l’apprentissage à le faire. Ne serait-ce que sur une période définie, pour tenter l’expérience et essayer. Qui plus est, ici je vous ai présenté la méthode classique comment devenir un calligraphe reconnu et professionnel. Mais bien entendu certaines personnes ne recherchent pas cet objectif. Ou cherchent juste à connaitre certaines bases. Arriver à écrire joliment des prénoms ou autres mots afin de par exemple offrir quelques cadeaux à leurs proches et autour d’eux, sans réellement maîtriser cet art…
Quoi qu’il en soit, je reste convaincue que chaque science est bonne à prendre. Et qu’apprendre reste de toute façon très bénéfique. Puis qui sait peut-être parmi mes lecteurs certains deviendront dans quelques années des références ? 🙃
Si vous voulez aller plus loin et en partant de zéro, je vous invite à suivre l’Atelier Gratuit « initiation à la calligraphie arabe » 🎁
Bel article qui me parle beaucoup; je débute avec la calligraphie du : Alif et je continue la calligraphie entreprise depuis mars 2018 en calligraphie hébraique`…, et, c’est exactement je que j’ai ressenti; le bien=être à essayer de rendre une lettre difficile à tracer , et, réussir après un parcours patient`…
Mais, il y a plus pour celui qui est sur la voie de se perfectionner: apprendre et partager l’apprentissage`…
Bravo et bonne continuité`…
Merci à vous 🙂 en effet on retrouve des valeurs communes (même si je ne connais pas la calligraphie hébraïque) dans cette valeur de l’apprentissage. Et ce chemin est vaste et long, je dirai même infini quand on décide de l’emprunter…
Salam aleykoum, l’article est magnifique.Pour ma part peut importe le temps que cela prendra…
Je n’abandonnerai pas.😉
Merci encore pour cet article.
Wa alaykoum salam merci ! et oui patience et persévérance sont 2 grands mots clés 😉💪
Bonjour et merci beaucoup pour cet article très instructif ! Connaissez vous des calligraphe en Gironde ? Car j’aimerai vraiment me rapprocher de l’un d’eux pour démarrer mon apprentissage.
Lea
Bonjour c’est avec plaisir 🙂 malheureusement non je n’en connais pas…
N’hésitez pas à parcourir le site si cela peut déjà vous apporter des réponses en attendant.
Kristell.
Salam alaykoum, article très interessant qui montre.bien la.difficulté en France d’apprendre auprès de maître… en connaissez-vous dans la région parisienne ?
Merci beaucoup
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